Il est toujours bon de rappeler que la plante de sarrasin n’est pas une Poacée (comme le blé, le seigle, l’orge, le maïs ou le millet) mais une Polygonacée (comme la rhubarbe ou l’oseille). Aussi a-t-elle des caractéristiques morphologiques très éloignées de celles des céréales, ou même des graminées. En revanche, la farine de sarrasin présente une texture et une composition très proches de la farine de froment, si ce n’est qu’elle est dépourvue de gluten (protéines insolubles) et que la mouture implique un décorticage préalable des graines (les cosses étant non comestibles). C’est pourquoi le sarrasin est aussi appelé blé noir et la graine souvent qualifiée de pseudo-céréale (comme l’amarante ou le quinoa).
Quelles sont les différentes qualités de farines de blé noir ?
Pour la farine de sarrasin, il n’existe pas de “types” réglementaires (comme pour le blé ou le seigle), même si on peut mesurer un taux de cendres (qui est proche de la farine de blé complète). Si tous les meuniers la proposent dans leur gamme de farines spéciales ou de mixes, les moulins qui la produisent sont peu nombreux en France (et les plus importants sont implantés en Bretagne). En effet, le diagramme et les équipements de mouture sont assez spécifiques.
Aussi, chaque meunier fabricant a sa signature propre (qui dépend de ses procédés, de ses choix techniques, de ses approvisionnements, etc.) et peut proposer différentes qualités, en termes de couleurs (claire à très foncée, selon le taux d’extraction ou le taux de cendres), de granulométries (moutures fines ou grosses), de variétés (à petites graines, comme la harpe ; ou à grosses graines, comme zita ou panda) et de labels (Sans Gluten, Agriculture biologique, Indication Géographique Protégée [IGP], etc.).
L’intensité aromatique semble liée au process de mouture (sur meules de pierre, c’est mieux), au taux d’extraction, à la granulométrie (la mouture fine a plus d'arôme, la mouture grosse apporte plus de croustillant) ou à la qualité des graines (qui varie aussi selon les terroirs, les années, le travail du grain, notamment).

Comment expliquer le succès commercial du blé noir ?
Si le sarrasin redevient tendance, c’est d’abord pour son image extrêmement positive. Fleurant bon le terroir breton, la culture paysanne ou l’alimentation ancestrale, la farine de blé noir enracine le consommateur dans des valeurs qui refont sens aujourd’hui : l’attachement à un terroir, à une région, à une culture, à une histoire... Cette identité forte, intimement liée à la Bretagne et parfois revendiquée via un label (IGP Bretagne ou Produit en Bretagne), a très largement essaimé en France, notamment grâce à une ambassadrice notoire : la galette de blé noir. Les références pré-emballées sous vide sont devenues des best-sellers en grandes surfaces.
Festive, gourmande et ludique, la galette est plébiscitée par les Français pour de multiples instants de consommation. Ce succès commercial a indéniablement joué en faveur de la popularité de la farine de sarrasin et, par extension, du parfum “blé noir”. De nombreux produits alimentaires parviennent ainsi à se démarquer grâce au sarrasin : whiskies et spiritueux, bières, biscuits, caramels, crèmes glacées, pâtes, crozets, biscottes extrudées, blinis, etc.

Quels sont les bénéfices du pain au sarrasin pour la santé ?
En boulangerie-pâtisserie artisanale, le blé noir gagne aussi du terrain, porté par le succès du pain au sarrasin. En dehors de la signature bretonne qu’elle confère aux produits, la farine de sarrasin intéresse aussi les artisans pour sa typicité aromatique, ses atouts techniques (effet anti-rétreint sur les fonds de tarte) et ses bénéfices santé.
Riche en glucides (70 g/100 g), en fibres solubles (7 g/100 g), en protéines solubles (13 g/100 g) et en micronutriments, la farine dispose de nombreux atouts (une fois cuite). Reconnue plus facile à digérer (par de nombreux consommateurs sensibles au gluten), elle facilite aussi le transit digestif et stimule le microbiote intestinal (effet probiotique). Avec son index glycémique bas (IG 30-35) et ses glucides complexes (amidon), elle est un bon compagnon pour les personnes diabétiques et celles qui veulent perdre du poids.
Même si elle n’est pas strictement panifiable (puisqu’elle ne contient pas de gluten), la farine de blé noir est la bienvenue dans les pains au levain et aux céréales anciennes, réputés plus confortables sur le plan digestif. Avec son arôme intense et sa typicité marquée, la farine de blé noir fonctionne aussi très bien sur toute la gamme des pains spéciaux rustiques et gastronomiques.
Comment utiliser la farine de blé noir en boulangerie ?
En panification, les fibres solubles (effet gélifiant) confèrent à la farine de blé noir une certaine aptitude à retenir les gaz de fermentation et à former des alvéoles à la cuisson. La mouture fine est recommandée : elle facilite l’hydratation et donne plus de goût.
L’utilisation de farine de blé noir peut se faire de plusieurs manières. Entre 10 à 25 % sur une base de farine de froment, on renforce simplement la typicité d’un pain de tradition ou au levain sans bousculer sa recette. Entre 30 et 50 %, on obtient un goût intense de sarrasin et on profite pleinement de ses bénéfices, à condition d’adapter sa méthode pour suppléer le manque de force. Les fermentations longues sur levain dur ou pâte fermentée sont recommandées. À noter que la dénomination “pain au sarrasin” doit préciser le pourcentage de farine de sarrasin. Au-delà de 50 %, les choses se compliquent...
Il existe bien sûr des recettes de pains de blé noir sans gluten mais rappelons qu’en boulangerie artisanale, la mention “sans gluten” est interdite pour des pains réalisés dans un fournil traditionnel, même s’ils le sont à partir de farines certifiées sans gluten.
Découvrez la recette de pain au sarrasin de Fabrice Cottez pour La Toque magazine.