Ce mardi de juin, Egleh Menossi est soucieuse. « Je suis à la chasse au beurre de tourage extra-sec 84 % de matières grasses, confie-t-elle. Aucun de mes fournisseurs n’en a, même Metro était dévalisé. Si je n’en trouve pas avant jeudi, il n’y aura pas de New York rolls samedi. Ce sera la première fois ! » La margarine n’est pas une option pour élaborer les viennoiseries auxquelles sa boutique toulousaine doit sa notoriété.
« L’activité a explosé après que des influenceuses les ont goûtées, relate Egleh. Beaucoup de clients viennent pour les rolls, mais s’il n’y en a plus, ils repartent avec autre chose. Cela nous a fait connaître. » Cette visibilité sur les réseaux sociaux est d’autant plus précieuse que sa boutique, ouverte en 2022 dans un local vide depuis huit ans, ne se repère pas du premier coup d’œil.
Troncs et bouquets de fleurs séchées
Les passants admirent la devanture d’EK Pâtisserie en essayant de deviner ce qu’il s’y vend d’assez précieux pour mériter un cadre aussi léché. Est-ce un concept store ? Une boutique de créateurs ? Une galerie ? Mais les troncs, bougies, bouquets de fleurs séchées et autres luminaires — tous en matériaux nobles — ne sont là que pour mettre en valeur les pâtisseries. « Ce sont des choix originaux : pas de vitrine, un comptoir fermé, et de l’espace », concède celle qui a même installé une balançoire décorative. « Je voulais une déco très sobre et aérée. Les stars, ce sont les produits. »
Attention : certains rendent accroc. À commencer par les brigadeiros. Ces confiseries brésiliennes fondantes se situent « entre le caramel et le dulce de leche, explique Egleh. Traditionnellement au chocolat, je les décline en divers parfums : pistache, noisette, coco… »
Autre succès : les trompe-l’œil, dont la star est une cacahuète géante mariant une mousse, un praliné et un biscuit à la cacahuète, à un caramel au beurre salé. En ajoutant les valeurs sûres que sont les flans, les tartelettes et les cookies, il y a de quoi contenter les trois grandes catégories de clients : les traditionnels, les accros à Instagram, et ceux qui veulent voyager par les sens.
Le goût est une affaire de famille chez Egleh. Pour ses parents, Brésiliens, « manger et partager était une priorité », sourit-elle. Arrivée du Brésil il y a seize ans pour étudier la gastronomie française, elle a travaillé pendant des années avant d’ouvrir son propre établissement… juste avant le covid.
Une clientèle de professionnels
Forcée à fermer, elle change de rythme de vie. En séjournant au Brésil, elle est saisie par le développement fulgurant de la gastronomie brésilienne. De retour à Toulouse, elle veut ouvrir une boutique mariant les influences brésiliennes, italiennes et françaises, à son image. Et dit toujours oui à la gourmandise et à la passion, mais non au rythme infernal de la restauration. « Je travaille encore beaucoup : de 6 heures à 20 heures sans compter le trajet, avoue-t-elle. Mais j’ai des soirées en famille et n’ai plus la pression des heures de service. »
Elle a gardé un réseau ainsi qu’une connaissance aiguë des besoins du secteur qui lui valent de travailler avec plusieurs restaurants. « Leur clientèle est de plus en plus exigeante sur les desserts et ne se contente plus de crèmes brûlées et de riz au lait, observe-t-elle. Or, ils ont rarement un pâtissier dans leur équipe, et les cuisiniers n’aiment pas faire de la pâtisserie. » Des clients ont ainsi découvert EK pâtisserie grâce aux restaurants, en y goûtant le Finger chocolat-fève tonka ou le millefeuille à la crème d’avocats créés par Egleh et son « génial chef pâtissier, Enzo ».
En septembre, de gros changements sont prévus, avec l’arrivée d’un chocolatier, le développement de l’offre de biscuiterie et des spécialités inspirées cette fois de l’Italie (on nous souffle qu’il s’agit de maritozzi). Pas question pour autant de changer la déco ou la façade. Mais les gourmands, désormais, connaissent le chemin.