LTM : Quel est le profil des jeunes qui arrivent dans votre établissement ?
Thierry Ancel : Ils font partie de la génération dite alpha, ceux nés dans les années 2008-2010. Des adolescents qui sont nés avec le numérique, n’ont connu que ça. Avec les limites et l’ouverture que cela suppose. Ouverture, car ils sont sensibles à l’utilisation de ces nouvelles technologies : présence sur les réseaux sociaux, possibilité de commandes en ligne… ils sont attirés vers les structures qui ont pris ce virage du numérique. Limites, car ils sont saturés de sollicitations, d’informations souvent contradictoires et peinent à s’y retrouver. Mais c’est le monde que nous, adultes nés dans les années 1960-1970, leur avons créé.
LTM : Quelles évolutions récentes constatez-vous ?
TA : Depuis deux-trois ans arrivent chez nous des jeunes âgés de 18-20 ans qui sont allés jusqu’au bac parce qu’on les y a poussés mais qui ne souhaitent pas s’engager dans des études classiques. Ils représentent désormais presque un tiers des effectifs. Ils veulent un métier concret, complet. Un nouveau public pour lequel nous devons adapter notre enseignement car ils sont plus rapides sur le théorique. Ces 18-20 ans ont également un comportement différent lorsqu’ils arrivent dans les entreprises. Ils sont davantage matures et n’acceptent pas de se faire rabrouer comme un ado, qui va baisser la tête. Les patrons doivent avoir bien conscience de ça, faire preuve de davantage de pédagogie. Autre évolution marquante, l’aspect financier les motive moins. Ils se moquent d’avoir un contrat à durée indéterminé et cherchent un équilibre vie privée-vie professionnelle. Ils ne sont plus prêts à tout donner dans le boulot.
LTM : Qu’en est-il des changements de voie professionnelle chez les adultes ?
TA : Nous avons de plus en plus de personnes entre 25 et 55 ans en reconversion, très motivées, plus expérimentées concernant le monde du travail. Elles sont demandeuses de pratiques différentes en matière de management, avec des attentes fortes vis-à-vis de l’entreprise : qu’il y ait du sens, de l’éthique, de la bienveillance.
LTM : Quel message feriez-vous passer aux employeurs ?
TA : Dans le secteur de la restauration, les patrons ont dû s’adapter à marche forcée : augmentation des salaires, réduction du nombre de services, plus de souplesse dans les horaires. Les métiers de bouche vont connaître la même évolution. C’est ce que je martèle lorsque j’interviens devant des patrons : ouvrez davantage votre porte, prenez acte des nouveaux codes et comportements si vous voulez trouver du personnel compétent et, surtout, le conserver.
Lire le reste du dossier :
1. Quel patron pour abaisser le turn over ?
3. Une psychologue du travail : « Cadrer le poste et cibler l’offre d’emploi »