« Les lignes changent et les artisans évoluent avec », souligne Jeanne Collin, directrice de casting de La Meilleure boulangerie de France, qui travaille sur l'émission chez Endemol depuis sa première diffusion en France à l'été 2013. Pour La Toque magazine, elle évoque le processus de sélection des participants et revient sur l'évolution du show boulanger de M6.
La Toque magazine : Proposez-vous aux artisans de participer ou ce sont eux qui candidatent ?
Jeanne Collin : Nous avons plusieurs biais de recherche, comme les avis des clients — tout simplement —, les articles de presse régionale, tous les concours de boulangerie et, de plus en plus aussi, les réseaux sociaux. Au prisme de certains critères de sélection, on appelle les artisans pour leur demander s’ils souhaitent participer à l’émission. Mais maintenant que l’émission a dix ans, nous recevons beaucoup de candidatures.

LTM : Comment les sélectionnez-vous ?
J.C. : Nous avons plusieurs points d’entrée. Sur le plan pratique, en ce qui concerne la production et la logistique, on évite qu’il y ait deux heures de route entre les deux boutiques, par exemple ; sur le plan du casting pur, on est sur le qualitatif avant tout : la gamme, les méthodes de travail, le parcours (on suit ceux qui passent les concours, les Compagnons et les Meilleurs apprentis de France, par exemple) et ce qu’ils font sur les réseaux sociaux. Et nous regardons toujours si tout leur travail est artisan : nous n’avons pas de profils qui utilisent des mixes, pas de filiales, pas de franchise et pas de surgelés — en tout cas, pas en gamme principale.
LTM : Entre les débuts de l’émission, et aujourd’hui, les profils ont-ils évolué ?
J.C. : Chaque année a sa mode ! On a celle avec les reconversions et les CAP en candidats libres, puis le retour aux circuits courts et le sourcing de qualité… Et effectivement, on voit que le secteur évolue, et très vite : le snacking boulanger s’est considérablement développé car la boulangerie est un endroit où l’on va manger. On découvre des gammes de plus en plus élaborées, très cuisinées.
LTM : Vous avez commencé à intégrer des boulangeries “alternatives”, sans baguette ni croissant : comment sont-elles accueillies ?
J.C. : On sélectionne vraiment les artisans sur le qualitatif pas sur le quantitatif, donc quand on a un profil qui ne présente ni baguette ni croissant, ou simplement une petite gamme mais complètement maîtrisée, avec une vraie recherche sur les produits utilisés, qui est très inventive : il n’y a pas débat, ce sont des profils que l’on intègre sans difficulté.
LTM : Vous allez chercher des candidats dans les pays frontaliers francophones, pour quelle raison ?
J.C. : Pour se renouveler à chaque saison, on ouvre effectivement les candidatures aux pays frontaliers, parce qu’on a nos dix boulangeries par région mais qu’on n’est pas chauvins. L’émission reste et restera La Meilleure boulangerie de France.
LTM : Quels profils sont écartés ? Vous n’allez pas voir les grandes chaînes de boulangeries artisanales ni les fournils de grande surface ? Quid des artisans qui ne font pas tout maison ?
J.C. : Non, et les chaînes ne participeront jamais. On cherche — et on trouve toujours — des artisans qui travaillent très bien et de façon artisanale. Après, on ne va pas se mentir, c’est un secteur en tension qui a de gros problèmes de personnel, donc si un artisan utilise un peu de surgelé en dépannage quand les saisons sont compliquées, mais que le reste de sa gamme est très maîtrisée et très qualitative, on choisira juste de ne pas le montrer. Le principe de l’émission, c’est vraiment de montrer le meilleur de l’artisanat boulanger. Il peut être plus original que traditionnel, impliquer des reconvertis ou des profils atypiques, des organisations originales, mais la finalité c’est de mettre en valeur nos régions et les artisans qui participent à entretenir ce savoir-faire et cette part de culture qui nous est si chère.

LTM : Quels sont les atouts du candidat idéal ?
J.C. : De beaux produits : c’est la première chose qu’on regarde, et qu’on voit finalement. Beau feuilletage : donc bon tourier. La farine d’un meunier local ; un artisan qui est passionné, passionnant, qui a envie de parler, de casser les codes de la boulangerie traditionnelle ; un compétiteur, quelqu’un qui nous entraîne, au féminin comme au masculin, quel que soit son âge. Une fois que le candidat nous a présenté tout son univers — de sa gamme à son histoire en passant par ses équipes et sa boutique —, il faut qu’on se dise : “J’ai envie d’y être !”
LTM : Une dimension RSE pourrait-elle être intégrée dans les critères ?
J.C. : Ce ne sont pas des critères, mais bien souvent ces “aspérités” sont presque des garanties de qualité au moment du casting. On demande aux candidats beaucoup d’informations, comme les photos de leurs sacs de farine, de leur gamme, et on voit des recettes anti-gaspillage, des farines de petits producteurs locaux… Parfois avant d’accepter de participer, ils nous disent qu’ils vont d’abord demander à leurs équipes si elles sont d’accord. Forcément, ces choses-là sont le gage d’une belle histoire à raconter pour l’émission. Mais les lignes changent et les artisans évoluent avec. Si nous sommes vigilants concernant de nombreux critères de qualité, le reste est souvent de leur fait et de leur initiative.
LTM : Quels sont vos meilleurs souvenirs de l’émission ?
J.C. : Les vidéos que les artisans nous font parvenir : ils s’investissent vraiment pour présenter leur travail ! Les produits qu’ils nous envoient aussi, pour qu’on les goûte ! Et, ce qui reste le plus beau, ce sont les messages de remerciements que l’on reçoit après le passage de nos équipes.
LTM : À quels moments intervenez-vous avec les artisans ?
J.C. : Nous sommes le premier maillon de la chaîne, très très en amont du tournage. Ce n’est plus comme au début ; maintenant, on est rodés et, surtout, plus nombreux. Aujourd’hui, je m’occupe de tous les castings d’Endemol. Il y a une autre directrice de casting, entre cinq et neuf personnes qui se chargent de passer les interviews (du boulanger, de son binôme, de son équipe). Ensuite, il y a la rédaction éditoriale et la présentation des dix boulangeries à la chaîne, et enfin toute l’équipe de production et de coordination (lire page suivante).
LTM : Qu’est-ce qu’un bon casting ?
J.C. : C’est quand on arrive à challenger les artisans sans transformer la boulangerie. C’est présenter un jour un reconverti, le lendemain un artisan qui travaille au feu de bois, le lendemain un qui ne fait que de la livraison à des restaurants et à des collectivités, le jour d’après une boulangerie installée en périphérie, etc… Nous essayons d’avoir un beau panel sur une semaine, une harmonie pour évoquer une région. Nous avons à cœur de raconter ce beau métier, qui attire même les grands chefs, ainsi que nos régions de France : si nous y parvenons, notre mission est remplie.
Lire le reste du dossier
2. Élodie christ et Jimmy Gless : « Sur un coup de tête, je constitue un dossier »
3. La production : « Instaurer une ambiance détendue »
4. Laurent Bocquet : « L'émission apporte une forme de crédibilité »